sábado, octubre 09, 2010

Kenzi Miyazawa

Lecturas

Kenzi Miyazawa
Les Astres Jumeaux

Kajû et la danse des cerfs

      ...Kajû se conforma à la coutume et prit la route de la montagne pour une belle journée.(...)
Il franchît un grand nombre de ruisseaux, traversa maint terrain rocailleux. La chaîne montagneuse se fit plus imposante devant lui, sa silhouette se dessina plus nettement, et losquíl parvint au point où chaque arbre lui apparut semblable aux minces tiges des mousses qu'on appelle "mousses-cyprès", tant elles ressemblent auc aiguilles de ces conifères, le soleil était largement incliné à l'ouest, il frappait de son éclat un bosquet d'aulnes bleus et les colorait de lumières pâles.
       Kajû se débarrassa avec soulagement deson fardeau et le laissa choir sur le pré gras et herbu. Il déballa ses gâteaux confectionnés à la farine de millet et de marronnier et se mit à manger. (...) Kajû dégustait ses gâteaux et observait avec jubilation les aulnes, dont les troncs noirs se dressaient droits et fermes parmi les miscanthes.
      Il avait cheminé avec tant de détermination que sa faim, en somme, avait été apaisée. Il laissa de côté une bouchée de l'un de ses gâteaux, de la grosseur d'un marron d'Inde. "Ce petit bout de gâteau, s'interrogea Kajû à haute voix, pourquoi ne l'offrirait-je pas aux cerfs? Allons, vous tous, les cerfs, venez manger!"
     Il déposa le reste de gâteau au pied d'une blanche Parnassie en fleur, rechargea ses affaires sur le dos et commenca d'avancer à pas lents et lourds.
     À peine avait-il marché quelques instants qu'il s'apercut qu il avait oublié son essuie-mains sur le pré, là où il avait fait halte. Précipitamment, il rebroussa chemin. Le bouquet d'aulnes noirs lui parut se rapprocher rapidement et il songea qu'il parviendrait bientôt à son but.
    Soudain, Kajû s'inmobilisa.
    Il était sur d'avoir percu la présence des cerfs.
    Oui, il y avait bien cinq ou six cerfs, et peut-être même davantage, qui trottinaient paisiblement, allongeant devant eux leur tête au mulfle palpitant et mouillé.
     Kajû s'approcha sur la pointe des pieds, touchant a peine la mousse et prennant garde à ne pas faire trembler les miscanthes légères.
     C'était certain. Aucun doute n'était permis: les cerfs s'ètaient bien réunis là pour le gâteau.
    "Dites donc, mes amis, fit-il dans un murmure, un grand sourire aux lèvres, vous n'avez pas tardé, hein!"
     Il se ramassa sur lui même et doucement, tout doucement, s'avanca vers le petit troupeau.
     Caché derrière un bosquet de miscanthes, avec d'infinies précautions, Kajû allongea légèrement le visage, puis le recula à l'instant, éberlué.
     Des cerfs faisaient la ronde sur le pré, à l'endroit précis où lui même s'ètait réposé: six d'entre eux galopaient en dessinant un large cercle. Par les jours entre les miscanthes, Kajû contempla le spactacle en retenant son souffle.
     Le soleil donnait précisèment sur la cime d'un aulne, et toute la haute ramée était éclairée d'une étonnante lumière bleutée, comme si une réature bleue s'ètait installée là, inmobile, dans le but d'admirer la ronde des cerfs depuis cette position élevée.  Mille paillètes dorées miroitaient sur les épies des miscanthes, et le soleil de ce jour gratifiait également la robedes cerfs d'une beauté radieuse.
     Kajû, enchanté, mis très lentement un genou à terre afin de pouvoir lui ausi mieux jouir de la vision.
     Les cerfs poursuivaient leur ronde sans fin, mais si l'on y prêtait bien attention, on remarquait que quelque chose semblait les aimanter au milieu du large cercle. Tous en effet avaient la tête, les oreilles et les yeux tournés vers le point central. Et même, l'un ou l'autre de ces animaux brisaient parfois la ronde, osant quelques pas précautionneux vers l'intérieur, comme s'ils avaient été irrésistiblement attirés de ce côté.
     Au centre de leur ronde, bien entendu, était déposée la bouchée de gâteau au millet; pourtant, ce n'était pas la friandise qui interessait les cerfs, semblait-il, mais bien plutôt l'essuie-mains que Kajû avait oublié sur l'herbe. Le long tisu banc était replié, et par hasard, il dessinait approximativement la lettre V.
    Kajû s'assit plus àson aise sur la mousse, en s'aidant de ses mains pour mieux caler son genou mal en point.
     Petit à petit, le rythme de la ronde ralentit. A tour de rôle, les cerfs allongeaient une patte avant à l'intérieur du  cercle, comme s'ils étaient résolus à avancer vers l'objet de leur désir. Mais aussitôt, is réculaient, éffarouchés, et reprenaient leur petit trot bien cadencé. Comme sur des léger tambourins, leurs sabots résonnaient joyeusement sur les prairies et dans la profondeur même de la terre noire. En.fin,les cerfs interrompirent leur ronde, s'approchèrent du tissu blanc et se postrèrent là, immobiles.
    
     Soudin, Kajû eut les oreilles emplies de siflements suraigus. Il fut pris des tremblements et des frissons. Voilà que les émotions et les sentiments des cerfs, semblablement agités par le vent qui sécouait les épis des graminés, se transmettaient en vagues jusqu'à lui.
     Kajû doutait de ce qui lui disaient ses oreilles. Et pourtant, il entendit distinctement les paroles suivantes, que prononcaient les cerfs:
    -...Moi, j'ai bien envie d'y aller!
     -Hé! C'est un peu risqué, tu sais! Attends encore un peu...
     Kajû entendit encore ces répliques:
     - Oui, mais.... et si je me fais prendre au piège comme un renard? Après tout, il n'y a rien d'autre qu un bout de gâteau!
     - Eh oui, t'as peut-être pas tort!
     Et puis encore ces mots:
     - Cette chose-là, Ca se pourrait qu elle soit vivante!
     -Oui, oui, on dirait vraiement qu' elle vit
     Bientôt, l'un des cerf sembla se décider. Il allongea l'èchine, brisa le cerle et s'avanca vers le milieu. Tous ses compagnons le fixaient sans bouger.
     Les pattes raidies au maximum, l'animal courbait et avancait le cou, puis il hasarda quelques petits pas prudents et se retrouva juste à côté du tissu; subitement, il bondit en l'air et s'enfuit au galop. Les autres alors s'èparpillèrent en cabrioles nerveues. Le premier s'inmobilisa cependant, ses compagnons réprirent leur calme et ils reformèrent leur groupe, lentement.
     - Qu'est-ce que c'ètait, dis-nous, cette chose-là , si longue et si blanche?
     -On dirait qu il y a des sortes de rides tout du long.
     -Oh...alors, elle n'est pas vivante! Je parie que c'est plutôt comme un champignon, vous ne croyez pas? Oui, mais un champignon mauvais, avec du poison!
     -Mais non, ce n'est pas un champignon. Moi, je vous dit que c'est vivant.
     -Ah...Et toutes ces rides alors, c'est une vielle chose vivante!
     -C'est ca! Un vieux gardien! Ha ha ha , ca, c'est amusant!
     -Eh bien, pour un gardien, il est plutôt blanc comme un navet!
     -Ha ha ha, que c'est drôle, un gardien navet!
     -Maintenant, à moi d'aller voir.
     -Oui, vas-y! tu ne risques rien
     -Et si la chose me dévorait?
     -Mais non, je te dis. Tout se passera sans histoire.
     Un deuxième cerfs s'approcha à petits pas. Ses compagnons hôchaient la tête afin de l'encourager. L'animal paraisait parfois terrorisé, et il réunnissait alors ses pattes et arrondissait le dos. Puis il recommencait à avancer doucement, tout doucement. Enfin, à peine à quelques centimètres du tissu, il étira le col et huma de toutes ses forces. Soudain, il bondit en l air et s'enfuit. Le petit troupeau sursauta et parut sur le point d'en faire autant. Mais le deuxième cerfs cessa bientôt sa course. Les autres se rasurèrent et se regroupèrent. 
     Alors, explique! Dis-nous pourquoi tu as pris la fuite?
     -Eh bien, je croyais que ca allait me mordre!
     -Mais qu'est-ce que c'est, à la fin?
     -Ah, j'en sais rien... Ce qui est sûr, c'est que ca a des taches bleues et blanches, des deux côtés.
     -Et ca sent quoi?
     -Comme l'odeur des feuilles du saule
     -Et ca respire?Hein? Dis nous....
     -Vraiement, je ne sais pas. Je n'ai pas fait attention.
     -Cette fois, c'est mon tour d'aller voir.
     -Bien sur!
     Le troisième cerf avanca à tout petits pas.


   






Georges Didi-Huberman - Devant l'image

Comme toute défense et comme toute dénégation le discours de l'especificité vise à occulter -mais sans y parvenir jamais- cette évidence: il est lui-même déterminé par un système de pensée qui, à l'origine lui fut ètranger. Tout le mal vient de là: car c'est en ocultant ses propres modèles qu'un savoir s'y aliène, s'y oublie, et s'y délabre. La défense consiste à réfuser tous les concepts "importés", la dénègation consiste à refuser de voir qu'on ne fait jamais que cela- utiliser et transformer des concepts importés, des concepts empruntès-. Faire un catalogue ne revient pas à un pur et simple savoir des objets logiquement agencés : car il y a toujours le choix entre dix manières de savoir, dix logiques d'agencement, et chaque catalogue particulier rèsulte d'une option - implicite ou non , consciente ou on, idéologique en tout cas - à l'égard d'un type particulier de catégories clasificatoires. En décà du catalogue, l'attribution et la datation elles mêmes engagent toute une "philosophie" - à savoir la manière de s'entendre sur ce qui est "une main", la paternité d'une "invention", la régularité ou la maturité d'un "style", et tant d'autre catégories encore qui ont leur propre histoire, ont été inventées, n'ont pas toujours existé. C'est donc bien l'ordre du discours qui mène, en histoire de l'art, tout le jeu de la pratique.


Il y a eu la Renaisance. (...)  Une chose est sûre, c'est qu' entre l'origine et l'origine répresentée, le Quatrocento et   puis le Cinquecento inventèrent l'idée d'un age-phénix, un âge où l'art renaissait de ses cendres. C'était donc supposer qu'il y avait eu des cendres, c'était supposer que l'art avait été mort. En inventant quelque chose comme une résurection de l'art, la Renaissance du même coup délivrait un fantasme de la mort de l'art. Or, qu' y a t 'il dans l'intervale qui sépare la naissance et la mort, la mort et la réssurection de l'art? Il y a la mise en branle de son histoire concue. Aussi le flux mythique de la Renaisance devait porter en lui l'invention d'une histoire - l'invention de l'histoire de l'art. Ce lien entre la Renaisance et l'histoire de l'art est tellement constitutif, tellement préeminent aujourd hui encore, que l'on ne sait plus très bien si la notion de Renaisance est le fruit d' une grande discipline nommée Histoire de l'art, ou si la possibilité, et la notion même d'une Histoire de l'Art ne seraient que le fruit historique d'une grande époque de la civilisation nommée, -par elle-même- la Renaisance...


L'Histoire de l'art dans les limites de sa simple raison

(sur Panofsky)

On se souvient ainsi que, dans cette version américaine, tout parlait dès les premières lignes - l'histoire de l'art elle - même semblait "repartir"- d'un exempe très simple de la vie quotidienne : "Supposons qu 'une personne de ma connaisance, rencontrée dans la rue, me salue en soulevant son chapeau". Disons que l'exemple est, non seulement pédagogique à souhait, mais encore qu il est littéralement engageant , un peu comme si Panofsky soulevait lui-même son chapeau devant ce public anglophone, nouveau et accueillant, avec la conscience de remettre en oueuvre le sens original du geste - dont il nous explique qu'il est "une survivance de la chevalerie médievale : les hommes d'armes avaient coutume d'ôter leur casque pour témoigner de leurs intentions pacifiques et de leur confiance dans les intentions pacifiques d'autrui"... (...)
En tout état de cause, l'exemple proposé par Panofsky autant que l'attentive pédagogie de son texte entier nous placent tout simplement au niveau d'une communication proposée, desirée - une communication qui veut persuader l'interlocuteur en le guidant sans violence depuis ce qu il y a de plus simple (qu'est-ce que je vois quand une personne dans la rue soulève son chapeau?) jusqu au plus complèxe (en quoi consiste l'interpretation iconologique des oeuvres d'art?).
Restons un instant au niveau le plus simple. Panofsky le nomme niveau formel de la vision:

 "Ce que je vois d'un point de vue formel n'est autre que la modification de certains détails au sein d'une configuration participant au type général de couleurs, lignes et volumes qui constitue mon univers visuel"

A partir de là, on le sait, Panofsky va inférer tout un systhème qui se construira selon un ordre de complexitè croisante: lorsque "j 'identifie ( et je le fais spontanément ) cette configuration comme un objet (un monsieur) et la modification de détail comme un évenement (soulever son chapeau), j'ai déjà franchi le seuil de la perception purement formelle pour pénétrer dans une première sphere de signification "Qui sera nommée naturelle ou primaire. Un sécond seuil est franchi avec la signification sécondaire ou conventionnelle : c'est lorsque " je prends conscience que soulever son chapeu équivaut à saluer". Voilà donc une conscience posée pour fournir le modele du niveau iconographique d'interpretation d'oeuvres d'art... Un troisième niveau nommé intrinsèque ou de contenu , nous portera enfin par ce que Panofsky entend par "iconologie" au sens radical: là serons mis au jour à la fois les éléments les plus spécifiques (comment ce monsieur là soulève- t 'il exactement son chapeau?) et les plus fondamentaux ( generaux, "culturels") de l'objet visible. L'histoire de l'art accède donc à ses fins: voir dans une oeuvre singulière ou dans un style entier les "principes sous-jacents" qui en conditionnent l'existence même, a fortiori la signification. (...)
...toute forme forme visible porte déjà le contenu conceptuel d'un objet ou d'un événement; tout objet, tout phénomène visibles portent déjà leur conséquence interpretative. Et l'interpretation? En quoi consiste t'elle? Que va t'elle porter, ou que porte - t -elle déjà avec soi?